Il était une fois.. le Livre

La Genèse

La Préhistoire nous a laissé de nombreuses traces et vestiges qui permettent aujourd’hui d’élaborer des hypothèses quant à la naissance de l’Humanité et l’évolution des hominidés jusqu’à l’apparition de représentations graphiques primitives.

L’Histoire débute quant à elle au cœur de la Mésopotamie il y a 6 000 ans, avec les premières formes d’expressions écrites de la pensée humaine, gravées en creux sur des tablettes d’argile de motifs iconographiques (pictogramme) puis d’inscriptions  cunéiformes.

C’est la naissance de l’Ecriture, elle est le Témoin des civilisations

Après les tablettes d’argile, le papyrus, sous l’Antiquité, s’impose comme nouveau support d’écriture que l’on calligraphie à l’aide d’un calame (roseau taillé en pointe) trempé dans une encre.

Il se présente sous forme de rouleau (le volumen)  que l’on déroule pour la lecture. Le volumen se conserve difficilement, n’est pas très malléable, il est encombrant et ne peut être calligraphié sur les deux faces.

C’est donc au début de l’ère chrétienne que le parchemin ou vélin (peau de veau ou chevreau mort-né) fait son apparition et supplante progressivement la plante des bords du Nil dont la culture se raréfie.

Avec ce nouveau matériau c’est un concept révolutionnaire qui va apparaître :   le codex

C'est aussi l'avènement du livre, il est la sauvegarde de notre mémoire collective.

En effet le parchemin peut recevoir du texte recto-verso, on peut le plier en double feuillet, le coudre en cahiers et assembler l’ensemble en une reliure en ais de bois. Le codex est fonctionnel, plus dense en texte, la lecture plus aisée que le volumen et enfin facilement transportable ce qui va permettre d’amplifier  la circulation des écrits.

C’est la structure du livre telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne, le parchemin ou vélin devient progressivement, dans tout l’Occident, le support de base incontournable à l’Ecriture.

Dans les monastères, dès le VIe siècle, des scriptoria voient le jour où les moines-copistes, toute leur vie durant, recopient les Ecritures Saintes et les  textes classiques de l’Antiquité. Les textes sont illustrés de miniatures  ou enluminures , art graphique hérité de la culture byzantine avant la polémique iconoclaste qui divisa l’empire d’Orient.

Toutefois, le parchemin est très onéreux, certains ouvrages de grand format, nécessitent un nombre important de peaux. Pour réduire les coûts, nos ancêtres réutilisent des parchemins en grattant les textes anciens, ce que l’on appelle le «palimpseste». De nombreux manuscrits ont ainsi disparu de notre héritage historique et ce jusqu’à l’avènement du papier. 

Fabriqué en Asie à base de bambou, de chanvre et autres matières d’origine végétale broyés et malaxés jusqu’à l’obtention d’une pate, le papier voit le jour durant le deuxième siècle avant J.C. Après la bataille de Samarkand (aujourd’hui ville d’Ouzbékistan) au VIIIe  siècle, les Arabes victorieux des armées chinoises, découvrent le secret de fabrication, s’approprient le processus et font de Samarkand le plus important centre de production papetière de l’empire musulman.

Les artisans-papetiers arabes améliorent sensiblement les techniques de réalisation et intègrent à la matière première, des chiffons (principalement du lin)

L'avénement du papier

Ce nouveau concept n’arrive que très tardivement en Occident, d’abord en Espagne alors occupée par les musulmans, au milieu du XIe siècle, puis en Italie (à Fabriano) via la  Sicile, seulement au XIIIe siècle.

Les premiers moulins à papier connus en France, ceux de Troyes et d’Ambert, dateraient du premier quart du XIVe siècle. Des manufactures (vers lesquelles  sont acheminées la matière première dite la « chiffe ») organisées et structurées se répandent dans tout le monde chrétien. Les coûts de production bien inférieurs à la fabrication du parchemin, donnent une nouvelle impulsion au mouvement de diffusion des écrits.

Aux alentours de 1450, Gutenberg met au point l’imprimerie à caractères mobiles, la typographie. Néanmoins cette technique d’impression était déjà opérationnelle en Asie  depuis le XIe siècle (caractères en porcelaine)

Cette invention,  combinée à l’emploi généralisé du papier, va bouleverser non seulement le monde de l’édition, mais aussi et surtout la société médiévale et va impulser un profond changement social, religieux et artistique, qui déjà circulait dans les couloirs des universités et dans les milieux intellectuels :

la Renaissance

En effet, les Erasme, Alde Manuce et autres grands Humanistes vont rééditer les textes antiques des philosophes grecs oubliés depuis le Haut Moyen-âge.  La  production écrite, était jusque là, essentiellement liturgique, théologique et biblique.

C’est un considérable mouvement  intellectuel qui va entrainer une grande fracture spirituelle dans l’univers de la chrétienneté : la Réforme 

Tous les ouvrages imprimés selon ce nouveau procédé depuis la « Bible 42 lignes » jusqu’à 1501, prendront le nom d’ incunable du latin incunabula, le « berceau » pour signifier que l’imprimerie n’en était qu’à ces premiers balbutiements.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les méthodes et techniques d’impression, vont peu évoluer si ce n’est pour améliorer le rendement et réduire les coûts de production d’un produit fini de plus en plus populaire.

Peut être peut on signaler à la fin du XVIIIe siècle, la conception d’une machine à fabriquer du papier en continu  et de façon industrielle, appelée « LNR » du nom de son inventeur Louis Nicolas Robert, technologie reprise et développée en Angleterre au siècle suivant.

Par ailleurs, à la même période, la pénurie de chiffon, destinée à la fabrication du papier, va pousser les papetiers à rechercher une autre matière première ; ce sera le bois.

Les livres deviennent accessibles à tous, ils sont consultables dans les bibliothèques qui se multiplient dans les grandes villes, la production à grande échelle permet d’en réduire le prix de vente et ainsi de répondre à la demande des lecteurs de plus en plus nombreux.

Ainsi le Savoir se démocratise.

Dès 1840, on est capable de fabriquer une pate, à base de bois et d’eau, dite « mécanique »  au moyen d’une meule.

Le papier ainsi élaboré, est moins souple que le papier chiffon, il se casse facilement et jaunit à la lumière (lignine) Un apport considérable de produits chimiques va le stabiliser et lui donner davantage de résistance mécanique.

Toutefois, les difficultés pour maintenir une blancheur homogène, ne seront résolues que très tardivement d’autant qu’une réaction chimique à l’humidité provoquera des taches brunes en surface, le foxing.

On entre dans l’ère de la communication & de la consommation

Les grands bouleversements dans le monde de l’imprimerie apparaissent à la fin du XIXe siècle, avec l’émergence de la mécanique et de l’électronique. La photogravure, les presses rotatives sont autant de technologies nouvelles qui vont accroitre la vitesse de production des textes et des illustrations.

Puis dès le milieu du XXe siècle, l’informatique va prendre le relais pour donner un nouvel essor à la publication et changer fondamentalement nos habitudes dans la recherche de l’information et du savoir.

Le livre électronique viendra peut être dans les décennies à venir, supplanter ce magnifique et unique objet qu’est le Livre imprimé. Il n’en deviendra que plus rare, il sera alors nécessaire et indispensable de donner les moyens financiers afin de le conserver et de le restaurer pour mieux le protéger et le sauvegarder pour les générations à venir.

Tout au long de sa généalogie, le Livre a constitué, feuille à feuille, notre

patrimoine écrit, il s’est enraciné dans notre culture, pour mieux

nous transmettre génération après génération, le Savoir et la

Pensée. Il est devenu l’Arbre des Sciences et de

l’Enseignement, sous lequel la Sagesse

et le Génie ont grandi, de Platon

à Plutarque, de Shakespeare

à Hugo. Au fait !! Livre,

liber en latin,  signifie

« écorce »  ..tout

un Symb

ole.

Texte : Dominique Chiffe

Photos : Internet sauf la Nef des Fous (D. Chiffe)